Les produits issus de la biomasse sont enfin reconnus par les pouvoirs publics pour leurs bénéfices environnementaux. Placés au cœur de la stratégie d’économie circulaire et des enjeux de décarbonation, ils sont légitimement soutenus dans le plan France Relance.
Le biosourcé est l’une des ressources des industries des syndicats de la FIPEC pour fournir des solutions relevant au moins quatre des enjeux environnementaux et économiques prioritaires de nos sociétés. Avec sa capacité d’absorption des CO2 et la substitution aux énergies fossiles, il agit sur la limitation du réchauffement climatique. En utilisant des matières premières renouvelables ou issues du recyclage, il limite l’épuisement des ressources. En diversifiant les besoins et en favorisant les circuits courts, il réduit la dépendance mondiale en approvisionnement. Par l’innovation, il participe à développer une industrie nationale forte et autonome.
Créer un cadre de référence
Ces bénéfices s’inscrivent dans l’évolution responsable des habitudes de consommation et les objectifs réglementaires. Dès 2010, la FIPEC a identifié le potentiel de cette approche industrielle et organisé une table ronde sur le sujet pour partager sa vision. Elle adhère alors à l’ACDV (Association Chimie du Végétal) et, au fil de la décennie, s’est intégrée à 3 groupes de travail, avec en fer de lance les peintures parmi les secteurs les plus actifs. Proactive, la FIPEC est ainsi partie prenante dans la structuration et la promotion de la filière des produits biosourcés pour en faire un axe de croissance responsable et durable. Avec l’ACDV, l’AFISE (industries de la détergence) et les pouvoirs publics, le Groupe de Travail Biosourcé de la Commission Environnement de la fédération, une trentaine d’entreprises, travaille à une expérimentation de préférence d’achats publics sur les peintures et vernis biosourcés. Un cadre commun à la profession est posé avec l’établissement d’un référentiel qui définit les peintures et vernis biosourcés, évalue la performance et intègre un glossaire des allégations (biosourcé, naturel…). Ces données seront disponibles sous la forme d’un rapport sur les peintures, lasures et vernis biosourcés téléchargeable sur le site de la FIPEC.
La nature biosourcée d’une peinture ou d’un vernis a été fixée selon un seuil de 20 à 45% de taux de carbone biosourcé, mesuré en suivant une méthodologie commune de calcul.
La prochaine étape est à franchir par la Direction Générale des Entreprises (DGE) chargée d’actualiser la base de données des appels d’offres publiques donnant la préférence aux produits biosourcés dont le taux de carbone est affiché. Ainsi, en 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas carbone interviendra dans au moins 25% des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. Dans le cadre de la règlementation RE2020, un taux minimal d’incorporation de matériaux biosourcés est fixé par référence au label Bâtiment biosourcé. Fin 2022, un événement présentera ce nouvel outil aux professionnels qui pourra être dupliqué sur d’autres familles de produits.
Faire comprendre pour stimuler la demande
Pour accélérer le développement des produits biosourcés par une meilleure compréhension et capitaliser sur le travail de fond réalisé, la FIPEC a élaboré des outils de synthèse et de vulgarisation, infographie et vidéo, à l’attention des marchés aval et des consommateurs, utilisateurs potentiels des produits biosourcés.
La peinture : terrain de jeu des chercheurs et ingénieurs
L’innovation est un puissant argument de vente si elle allie à la performance technique des bénéfices environnementaux. Les industriels réalisent une part importante de leur activité sur des lignes de produits lancés depuis moins de 5 ans. 25% des ventes chez Blanchon/Syntilor, témoigne Guillaume Clément, CEO et Président du groupe.
« Nous investissons 5% de notre chiffre d’affaires dans la R&D mais il faut parfois savoir être patient pour en récolter les fruits. Notre première offre de produits biosourcés date de 2009 mais, trop restreinte et arrivée sans doute trop tôt, elle n’a pas rencontré le succès escompté. Aujourd’hui, les consommateurs sont plus réceptifs, en témoigne l’accueil favorable de notre gamme de vitrificateurs, saturateurs, lasures, peintures de spécialités et vernis biosourcés ‘Syntilor Nature Protect’ ».
La part d’innovation chez Cromology est tout aussi importante et tournée vers les solutions écoresponsables. La moitié des peintures du fabricant sont éco-labellisées, tout comme deux tiers de celles commercialisées depuis moins de 3 ans.
« BIOME de Tollens est notre première gamme intégrant un ingrédient essentiel biosourcé. Sa résine est composée à 97% de matière première végétale, issue de déchets agricoles et sylvicoles. BIOME est labellisée Ecolabel, certifiée HQE et émet de faibles COV (<1g/L). Nous intégrons le biosourcé dans les critères de conception de nos produits. Nous sommes en effet dans une démarche globale d’éco-conception sur la totalité du cycle de vie de la peinture », Thierry Jeannette, Directeur Marketing et Innovation Produits Peintures.
Dans une tribune du JDD du 11/12/21, Benoit Bazin, DG de Saint-Gobain et Pierre-Etienne Bindschedler, PDG de Soprema, affichent leurs engagements et un bilan positif en affirmant que « Le secteur du bâtiment est en pointe dans la transition écologique. Nos entreprises construisent des bâtiments décarbonés, imaginent des habitats avec un impact environnemental minime et bâtissent des circuits courts sur l’écosourcé ».
Les fabricants parviennent à réduire les émissions de carbone sur tout le cycle de vie du produit par la sélection des matières premières, en particulier les résines, les plus émettrices. Ecoat, qui favorise l’émergence des peintures biosourcées, développe, depuis 10 ans, des liants biosourcés. L’analyse du cycle de vie sur ces polymères révèlent en taux d’émissions de carbone de -0,1% de C02/kg d’émulsion quand les produits classiques consomment 2 kg de CO2/kg de résine. « Aujourd’hui, le contexte est favorable aux produits biosourcés. Nos solutions environnementales sont économiquement viables et le marché est réceptif. Notre présence au sein du Groupe de Travail Biosourcé de la FIPEC est une formidable opportunité de travailler en filière et d’avancer », Olivier Choulet, CEO d’Ecoat.
Encres et vernis : concevoir l’emballage de demain
Les encres contiennent de plus en plus de matières biosourcées, notamment leur diluant ou bien encore leurs résines ou additifs. Elles peuvent ainsi être formulées à base de résines végétales (lignine) ou de bio-solvants (éthanol agricole). Les pigments peuvent aussi être d’origine végétale. En revanche, les colorants naturels (chlorophyle, algue, cochenille, oxydes de fer) ne répondent pas encore aux besoins du marché. La ressource est faible et les coûts élevés pour un pouvoir couvrant insuffisant. Dans l’emballage, on retrouve les encres à l’eau (jusqu’à 50% de végétale sur la matière sèche), les solvantées (à base de bio-éthanol), les encres grasses (à base d’huile végétale) et les UV/EB. Ces dernières connaissent un pic fulgurant en biosourcé. Elles représentent 45% de l’offre actuelle et devrait atteindre 75% dans 2 ans. « Chez Sun Chemical, les vernis d’impression barrières (oxygène, UV, eau, huiles, graisses…) comptent parmi nos développements. En matière d’emballage, ils compensent ou renforcent les barrières fonctionnelles des nouveaux packagings (mono matériau, recyclé, biosourcé). Notre projet est de les développer en biosourcé. Par ailleurs, de gros efforts sont engagés pour basculer en encres végétales des encres d’impression pour les magazines et journaux. L’objectif est de ne pas perturber les boucles de recyclage du matériel papier, carton recyclé ou film plastique (PE, PP ou PET) », Romain Cléret, Président de l’AFEI et Directeur Commercial France Benelux & Afrique de Sun Chemical.
L’ avis scientifique
Stéphane Fouquet, Consultant scientifique et ancien Directeur scientifique de la société Bostik (groupe Arkema), travaille sur les produits biosourcés depuis les années 80. « L’évolution de ces produits a été très lente car les conditions n’étaient pas réunies. L’offre en matières premières d’origine végétale, les volumes et les coûts de production, ont été des freins pendant longtemps. Le marché n’étant pas prêt non plus, la demande est restée relativement faible pendant des décennies, mais la situation évolue rapidement depuis quelques années. L’idée n’a jamais été d’opposer la chimie végétale et la chimie fossile mais de trouver le meilleur équilibre en tenant compte du coût à la fonction et des impacts environnementaux.
Il est en effet extrêmement réducteur de faire du biosourcé simplement parce que c’est bien. Le challenge est de développer des produits biosourcés à faible impact environnemental et, préférentiellement recyclables en fin de vie.
La formulation est un jeu de Lego qui doit tenir compte de nombreux paramètres. Elle demande une vraie expertise et de la rigueur sur le plan éthique, sanitaire et environnemental. Le développement des produits biosourcés réside notamment dans leur(s) fonctionnalité(s) supplémentaire(s) ou complémentaire(s), mais leur prix reste souvent un point de blocage. Par ailleurs, sauf contrainte réglementaire, le marché résiste naturellement au changement et les valeurs ajoutées liées à l’environnement ne suffisent pas encore à faire massivement changer les comportements ».
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